Début avril, la Canopée des Halles était ouverte au public. La presse était globalement consentante à positiver, appuyée par le défilé des belles images Instagram des influenceurs invités à l’inauguration. Peu convaincue du projet, j’ai voulu prendre le temps de la réflexion et demander aux parisiens : « ce qu’ils pensent des nouvelles Halles ».

Ceux interrogés sont plus que circonspects.

La forme n’évoque en rien l’étage supérieur de la forêt ou une feuille, mais plutôt une forme à la fois molle et lourde, entre la crêpe et le tapis peinant à prendre son envol.
La couleur a été vendue sous l’appellation racoleuse de « champagne », évoquant le luxe et la nouvelle volupté du lieu à laquelle on veut nous faire croire.
N’est il pas d’être simplement dans le ton des déjections des pigeons !

Le projet reste formellement « le trou des halles », sur lequel on est juste venu poser un toit, en y engloutissant la modeste somme de 918 millions d’euros. L’augmentation du coût des travaux, passée pour l’ensemble du chantier de 250 millions d’euros en 2006 à 918 millions en 2016, dont 216 millions pour la seule canopée. La maire de Paris a répondu aux critiques touchant le budget du chantier, défiant les détracteurs de trouver un autre projet de cette ampleur ayant limité ses dépassements de coûts à 14 % ? De toute façon n’est-ce pas de trop dans un contexte où l’argent manque pour construire des écoles, des crèches, ou des infrastructures qui améliorent vraiment le quotidien des Parisiens ? Sans soulever le sujet de l’urbanisme et du manque de terrains dans Paris intra-muros…
La canopée est par définition directement influencée par le rayonnement solaire. C’est chose faite ! Les riverains seraient obligés de vivre les volets fermés pour ne pas être aveuglés par la puissante réverbération et fait monter la température des appartements autour.

Et si le rayonnement sur les 18.000 écailles de verre avait été envisagé et valorisé ?
Avec des si, ce centre de Paris aurait pu prendre, pour la deuxième fois, un tournant bien différent ?

La Canopée, qui donne son nom au nouveau toit du quartier des Halles de Paris

La Canopée, qui donne son nom au nouveau toit du quartier des Halles de Paris.

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Le projet de la Canopée des Halles, en images de synthèse, pour vendre du rêve…

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Du rêve à la réalité : la lourde structure de la canopée des Halles.

La canopée des Halles est un exemple parmi d’autres projets actuels, qui vendent du rêve à partir d’images de synthèses séduisantes, faisant abstraction des réalités. Des projets purement formels, comme les symboles « pharaoniques » de villes et de politiques qui veulent avoir à tout prix leur belle image, mais qui oublie la fonction première de l’architecture.

Un peu plus loin le Centre Georges Pompidou, on aime ou on n’aime pas son esthétique ! Mais il a eu le mérite, au tout début des années 70, de présenter un projet manifeste d’intelligence. Le bâtiment a été conçu comme un volume simple dans lequel chaque niveau forme un vaste plateau entièrement modulable. L’ensemble des éléments fonctionnels, la structure porteuse, les circulations verticales, les parties techniques sont reportés à l’extérieur en façades, afin de consacrer la totalité de l’intérieur à sa vocation de musée. La forme de Beaubourg, particulière, répond avant tout à une fonction assumée et exprimée. Loin d’être un esthétisme gratuit, il a aussi eu pour vocation d’en faire un symbole visuel. Le projet de Piano, Rogers et Franchini était le seul, parmi tous ceux proposés, à implanter le bâtiment selon un axe nord-sud, respectant la trame urbaine du quartier. Ce parti permettait de n’occuper que la moitié du terrain en dégageant une vaste esplanade, la piazza, permettant l’accueil du public et des liaisons fluides entre le bâtiment et la ville. Son animation complétée par les circulations, les accès offrent aux étages supérieurs un magnifique panorama sur Paris.

La vocation profonde de l’architecture n’est elle pas de répondre à une ou des fonctions, d’offrir un lieu de vie ou l’on se sente bien tout en s’appropriant et en construisant la ville ?

A contrario, dans la même catégorie des bâtiments formels sur lesquels tout le monde est consensuellement dithyrambique je mets le Musée des Confluences à Lyon et la Fondation Louis Vuitton.
Les images sont « originales ». On transforme une vague esquisse en symbole. Mais la mise en oeuvre devient une artillerie lourde. Des boites complexes avec des circulations compliquées, des espaces peu fluides, recouvertes d’enveloppes simplement formelles. Aucun de ces 2 bâtiments de Frank Gerhy ou du Cabinet Coop Himmelb(l)au, implantés dans des sites exceptionnels, n’offrent une belle terrasse où se poser avec un point de vue sur la ville. Ce ne sont que des formes, posées là, comme des sculptures que tout le monde se délecte à prendre en photo. Je ne peux nier que cela fait de belles images (c’est un autre sujet que je pourrai aborder dans un prochain sujet). Mais sortie du cadre de la photo, en aucun cas, ce ne sont des lieux à vivre. Ce qui est malgré tout la définition première de l’architecture.

Alors si les architectes des « temps modernes » lâchaient un peu leurs photos de synthèses qui produisent des bâtiments images et reprenaient les bases : « Less is more » (Mies Van Der Rohe, 1947).
Un papier calque, un crayon, de la réflexion sur les espaces et les circulations, pour faire des plans qui fonctionnent et des bâtiments raisonnés.

Avec les 7 000 et 6 600 Tonnes qui constituent respectivement les structures de la Canopée des Halles et du musée des Confluences à Lyon, on est loin de la légèreté de la feuille ou du nuage évoqués par les architectes pour vendre « poétiquement » leur projet…
À Lyon, on est plutôt face à un vaisseau spatial qui se serait écrasé là, suite un choc avec une météorite. De la science-fiction bien réelle qui envahie les architectes surenchérissant de démesures pour satisfaire des institutions politiques et culturelles se gargarisant ainsi d’avoir leur bâtiment amiral et faire parler.
Quant aux 15 000 Tonnes d’aciers pour la seule enveloppe formelle de la Fondation Louis Vuitton, c’est 2 fois plus que la structure fonctionnelle de la Tour Eiffel ! Comparaison qui devrait faire réfléchir aux contraintes structurelles faisant souvent complètement diverger les formes de leurs inspirations imagées surtout à une époque où l’économie des matériaux n’a plus les mêmes enjeux qu’en 1889…

Fondation Louis Vuitton, Frank Gerhy

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La Fondation Louis Vuitton, Frank Gerhy.

Sans soulever la question des coûts d’entretiens de ces bâtiments, devenus les terrains de jeux d’équipes de hautes voltiges !

Tout le monde cherche son symbole et veut son musée Guggenheim de Bilbao qui a fait énormément pour le renouveau et la notoriété de cette ville industrielle. Mais avant de chercher « l’Effet Guggenheim« , il ne faut pas à mon sens négliger les fonctions premières de l’urbanisme et de l’architecture.

Je suis curieuse de savoir ce que vous évoque tout ça ! N’hésitez pas à continuer le débat dans les commentaires, je vous répondrai avec plaisir.

Images :
Les Halles, La Fondation Louis Vuitton, Le Musée des Confluences © Marion Chatel-Chaix
La canopée, Forêt Amazonienne, Brésil © Peter van der Sleen
Images de Synthèse de la Canopée des Halles © Studiosezz

Quelques lectures complémentaires à cet article, qui pensent dans le même sens :

vice.com
« La Philharmonie de Paris représente le triomphe de l’architecte en tant qu’artiste égocentrique – un type qui fait passer sa propre démarche avant ce qui fait l’essence d’un projet d’architecture : ses contraintes. »

Le courrier de l’architecte
« Le jury, dont je faisais partie, fut obligé de se rabattre sur le projet de la Canopée, en apparence le moins mauvais des dix. Aujourd’hui, je suis convaincue qu’il aurait fallu déclarer le concours infructueux et tout reprendre sur de meilleures bases. »

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