J’ai découvert pendant le salon du Sirha l’ambiance incroyable qui règne sur le concours de cuisine des Bocuse d’Or.
24 chefs – dont deux femmes – venus du monde entier s’affrontent autour de deux plats : une chartreuse de coquillages, clin d’œil au chef Joël Robuchon décédé en août, et un carré de veau rôti, en hommage à Paul Bocuse, illustre fondateur de ce concours décédé il y a un an.
Dans les tribunes l‘ambiance est digne d’une arène sportive : fanfare du côté des Anglais, pluie de confettis aux couleurs du drapeau danois, tenues de cow-boys pailletées pour les Américains. Sur la scène, les brigades sont concentrées, rivées sur leurs casseroles, sous l’œil des organisateurs et experts du jury qui scrutent le moindre geste.
Comme pour des sportifs de haut niveau, la préparation a duré plusieurs mois : il s’agit de « compresser le temps » pour que ces deux plats, qui nécessiteraient 9H00 en cuisine soient réalisés en 5H35. Pour cela, certains coaches gardent sous les yeux deux tablettes avec plusieurs dizaines de minuteurs. « C’est comme la formule 1, c’est à la seconde près« , explique Claude Le Tohic, mentor de l’équipe américain.
Il s’agit aussi pour les équipes de faire preuve de créativité pour faire de ces mets des « œuvres d’art », selon le chef étoilé du Rhône Guy Lassaussaie, membre du comité d’organisation. Les concurrents se doivent également d’apporter une « touche de modernité », estime M. Le Tohic.
Sur l’épreuve « Thème sur Assiette », les candidats devaient re-créer et réinventer la recette et la présentation d’une chartreuse de légumes aux coquillages. Le résultat final se devait d’être spectaculaire tant sur le plan visuel que gustatif.
Le plat de l’équipe des États-Unis – dirigée par le chef Matthew Kirkley – a particulièrement retenu mon attention pendant les présentations (puisque je n’ai pas pu y goûter !). La chartreuse était recouverte de tout un tas de petites pièces comme des pétales de fleurs. Je me projette dans la découpe et me dis alors « cela ne va pas être évident » !
C’est là toute la surprise de ce plat, particulièrement bien conçu : tous les petits éléments ont été posés sur des plaques qui se retirent comme des couvercles. En dessous, on découvre des éléments unitaires qui contiennent la préparation de légumes et coquillages et dans lesquels on peut venir verser la sauce, indispensable à la Chartreuse. Pas de découpe, tout reste parfaitement maîtrisé grâce à ce puzzle. Le ragoût de produits de la mer reste parfaitement contenu dans le coeur des parts individuelles. Le liquide est versé au moment du service, il n’a pas détrempé l’ensemble au moment de la présentation que le concours impose.
Régis Marcon qui commente les plats est épaté par l’ingéniosité de ce plat, « très malin, je n’aurai jamais pensé à revisiter la chartreuse sous cette forme, cela fonctionne parfaitement ».
Effectivement, du point du vue du designer, ce plat a été très intelligemment conçu pour conserver les caractéristiques de la recette et prendre en compte les contraintes inhérentes au concours.
Mais tout ne se jouait pas sur la Chartreuse et encore moins seulement sur le visuel. L’équipe Américaine a terminé 9ème au classement après toutes les épreuves.